Think global, drink local

Trois visites récentes dans des restaurants m’ont réjoui. D’abord parce que j’y ai très bien mangé. Mais aussi parce que, à chaque fois, la carte des vins faisait la part belle aux vins locaux, sans négliger quelques crus d’ailleurs.

Premier arrêt chez Jean-Luc Rabanel, à Arles. L’homme ressemble à un Galabru méridional, son visage avec de la peau en trop, son bagout, sa folie tranquille. Dans son deux étoiles à l’ambiance bistrot (L’Atelier), il privilégie les éléments végétaux, construisant des assiettes d’une extraordinaire complexité sans utiliser de produits de luxe. Pas la moindre trace de foie gras, de pigeon ou de homard. Mais du maquereau sublimé par un mariage de légumes, deux ou trois plantes sauvages dont cette superbe huître végétale. Un plat principal où trône bien un tout petit filet de taureau de Camargue (on est à Arles) mais surtout huit légumes apprêtés tous de manière différente. Et pour accompagner le menu de 13 plats à 125 ? Soit on prend la formule un verre par plat, soit on écoute le sommelier qui conseille dans une carte très riche, y compris en grands noms prestigieux, un Costière de Nîmes, «parce que c’est de la région». Un Domaine de Poulvarel, fruité, gras, avec encore une belle fraîcheur. « Mais je crois que je vais vous le carafer, il est encore un peu jeune. » Un 2007. Il avait raison.

Deuxième arrêt chez Pierre Reboul, à Aix-en-Provence. Une étoile Michelin, un décor coloré et joyeux, avec des chaises flashy et un accueil heureux. A côté, le Petit Pierre, le bistrot où le chef a recréé son univers d’enfants, crayons de couleur et dessins animés compris. On déguste une cuisine décomplexée, moderne sans être moléculaire, basée sur des produits de la région bien mis en valeur. La carte des vins ouvre sur une citation de Charles Bukowski, alcoolique écrivain, et parcourt les plus beaux noms de France. Le sommelier nous conseille pourtant un Coteaux d’Aix, « parce que c’est juste à côté ». Le Lauze 2007 du Domaine Sulauze était parfait, aérien, rêveur et bien présent.

Troisième arrêt au Berceau des Sens, le restaurant d’application de l’Ecole hôtelière de Lausanne. Sous la direction du Meilleur Ouvrier de France, Christophe Pacheco, les étudiants y servent avec encore quelques maladresses une cuisine raffinée, légère et intelligente. Pour accompagner cette chair de tourteau en sushi de concombre, ces cromesquis de moule et leur crème aigrelette aux herbes et citron vert, on a l’embarras du choix : le restaurant est le seul à proposer les quinze Premiers Grands Crus vaudois à sa carte, qui comporte aussi de très belles références étrangères. Mais la Gueniettaz de Christophe Chappuis suffisait à notre bonheur.