Archive pour juin 2008

La Dégustation du 13 juin

vendredi 20 juin 2008

Nous remercions Béat Bujard (Domaine Bujard), Denis Fauquex (Domaine Fauquex), Antoine Luginbühl et Francine Dufour (Casina di Cornia), Frédéric Bayle (Château Gigognan) et François des Ligneris (La Nature des Choses et le Champs des Murailles) pour la présentation des vins de leurs domaines. Nous remercions également Sylvie, Nathalie et Christian pour leurs précieuses aides. Et nous remercions toutes les personnes qui, par leurs présences ont participés au grand succès de cette très belle dégustation.

 


Le Chasselas, le Roi des blancs

vendredi 20 juin 2008

Unique, insolite, inégalable et prodigieux, le cépage chasselas est tout cela à la fois. Fer de lance des vins helvétiques, il incarne au mieux «le vin de terroir». Cultivé sur les rives du Léman  vraisemblablement depuis  l’époque romaine, le Chasselas fendant roux (dénomination ampélographique) garde encore une origine incertaine. Mentionné depuis l’Antiquité en Egypte à la fois comme raisin de table et de cuve (les vignobles y  touchent d’ailleurs le temple de Medinet consacré aux divinités du vin), on le retrouve aussi dans la vallée de la Loire avec l’unique AOC française autorisant le Chasselas à 100 % : le Pouilly-sur-Loire.

Il entre aussi dans l’assemblage du vin alsacien «Edelzwicker» ou dans les AOC savoyardes de Crépi ou de Marin usuellement vinifiées sans malo. Il est par ailleurs également présent en Allemagne dans le vignoble sud du Baden- Wurtenberg. Pour les chercheurs, le plus intriguant demeure ce village du Beaujolais dénommé «Chasselas» et autour duquel ne pousse aujourd’hui que du Gamay.

En Suisse, la présence du cépage blanc semble attestée depuis des temps immémoriaux. On le trouve encore planté en Suisse alémanique, en Autriche, en Allemagne et jusqu’en Slovaquie, sous des noms aussi identifiables que «Vievisser» (de Vevey) ou «Lausanner»; «Gutedel»; «Welcher»; «Gros fendant» ou «Weisser». En Romandie, il est tantôt appelé  Perlan à Genève ou Dorin chez les vaudois.

On distingue par ailleurs plusieurs sélections et clones : le Fendant roux ou Chasselas doré de Lavaux , la Blanchette, le Chasselas vert de Vinzel ou de la Côte, le Plant droit, le Chasselas de Fontainebleau, et comme raisin de table le Chasselas de Moissac.

Il est intéressant de rappeler l’origine du mot  Fendant : à la fin du XIXe siècle, le phylloxéra ravage les vignobles romands. Les vignerons doivent surmonter une crise économique sans précédent. Après plusieurs années de disette, les viticulteurs valaisans décident d’abandonner les vieux cépages blancs autochtones au profit du Chasselas plus rémunérateur qu’ils vont alors chercher chez les pépiniéristes vaudois. Très bien informés, les viticulteurs valaisans ne demandent que le cépage Chasselas «fendant» (ainsi nommé car lorsque l’on presse sur sa baie, le grain se fend entre les doigts et laisse ensuite sortir un jus  plus sucré) mais ils ne veulent pas le chasselas dit «giclet» (ainsi nommé car lorsque l’on presse sur la baie, jaillit un petit jet fade avant de libérer la gousse verte). Ce dernier donne un vin de moins bonne qualité et les vignerons valaisans choisissent donc de rapporter au Vieux-Pays des plants de Chasselas fendant. Dénomination qu’ils donneront ainsi au vin issu de ce cépage. Alors que chez les Vaudois, pour lesquels ce cépage est déjà largement majoritaire, on dira simplement «le blanc» puis rapidement le terroir ou le village dont le vin est issu. On boira donc avant la guerre de 1914 du Dorin de Concise, du Féchy, du Blanc de Lutry, du Dézaley ou du Villette mais pas ou très rarement du Fendant.

De nos jours, le Chasselas reste l’emblème des vins vaudois. La notion de terroir et la minéralité qui en découle sont des éléments essentiels lors de la dégustation. La grande diversité pédologique du Pays de Vaud offre une large palette de vins blancs différents issus de ce même cépage. Selon l’élevage, sur lies ou en cuves, il donne des vins riches et très subtils aux notes de fleur de tilleul. Les amateurs les plus éclairés laisseront mûrir les meilleurs millésimes comme 1986, 1990, 1996, 2000 ou 2006, afin d’obtenir des vins séveux aux notes confites de miel et d’amandes qui accompagneront au mieux les vieux gruyères ou le vacherin.

Mes plus vifs encouragements pour vous faire découvrir le sublime millésime 2007 qui se présente ces jours. Car comme le disait il y a peu ce vigneron de Lutry : «cette année, j’apprécie le Chasselas car je Lavaux bien».

 

                                                            Philippe Bujard

 

 


Le monde de la vigne et du vin au féminin

vendredi 20 juin 2008

Les critiques et les remarques quelque peu belliqueuses de mes très adorables filles Marie et Joséphine sur les histoires racontées et vécues depuis cinq ans avec Martin, me font prendre la plume pour rectifier cette injustice filiale. Il est ma foi exact que je ne fus pas très attentif à l’intérêt putatif de mes gentes damoiselles pour le monde vitivinicole.

Pardon, mes chéries, pardon ! Mon mea culpa étant fait, je me suis tout de même penché sur le sujet de cet univers conjugué au féminin, tel  Indiana Jones à la recherche du Graal viticole.

– Joséphine et Marie, écoutez-moi ! Je vais parler de vous.

– Ah ! Enfin ! C’est Françoise qui va être contente…

– Il est vrai que depuis bien longtemps, le commun des mortels, lorsqu’ il parle de la vigne, parle d’abord des effeuilleuses… puis des vendangeuses et ensuite de la divine bouteille…

– Ben tu vois, il y a du féminin dans la vigne…

et je suis sûr que dans le vin, il y en a aussi.

– Oh, sûrement, demoiselles ! M’enfin… Donnez-moi des exemples, puisque vous êtes si «fémimalignes»…

– La terre… Une souche…

– Là, Jo, on commence très fort. On le tient…

– Facile ! Le vigneron… le cep…

– Une jeune pousse…

– Un bourgeon, un sarment, un échalas, un piquet, un rebiot !

– Une feuille, une effeuilleuse ! Une cisaille, une cisailleuse, une homme… !

– Jean Rosset…

– N’importe quoi… ! La neige, la pluie…

– Le gel… ça jette un froid… non ?

– La grêle, l’assurance, les ravines, la pelle, la hotte, la chenillette.

– Le «fossoir», le raclet, le portugais, Louis Moret…

– Pffffhhh, nul ! Marie-Thérèse Chappaz… Hé Marie, là, il est «scié» !…

– Le mildiou, l’oïdium…

– La maladie, l’araignée rouge…

– Le traitement…

– Et toc, la boille, l’écologie !

– L’atomiseur, le sulfate, l’hélicoptère, Monsieur Michoud…

– La chimie…

– Regarde, il ne sait plus quoi dire. Je vais le casser avec : Novartis, Bayer, la grappe,

la maturité, la vendange, les vendangeuses, 

la qualité, la commune de Payerne… la caissette, la camionnette…

– Ah ah… Pierre, Marc, le pressoir, le moût, le vin… le soufre…

– La cuve, la fermentation, les bourbes… et «retoc» ! La lie, la dégustation, la couleur, l’odeur… la vinification, l’œnologie !

– Attends, Jo, je t’appuie : la bouteille, la mise en bouteille, la capsule…

– Le bouchon, le tire-bouchon, le verre…

– L’étiquette, la graphiste, la table…

– Papa, t’as oublié le principal ! L’AMITIÉ ! T’as perdu: 15-40, balle de break, jeu, deux sets à rien…

– Ah là, je reconnais, mes filles chéries ! J’abandonne. Cyrano s’envolait d’une tirade d’adjectifs de goût dans le denier journal, eh bien là, vous êtes les Roxane de ce numéro. Vous nous prouvez la féminité de la vigne et de son fruit. Devant vous, gentes dames, je m’incline. Il est vrai que la vigne est une plante, ma foi belle, qu’elle nous donne des grappes pour en faire une divine boisson qui réjouit nos pensées. Je suis «dépittet». Viens, Martin ! Je ne sais pas si la femme est notre avenir mais regarde… Joséphine et Marie vont à la vigne… rejoindre Sylvie… Tout arrive…

– Ouh la la, j’crois bien qu’on est «commis» chez nous ! Maman a sûrement fait une liste et cette fois, c’est nous qui devrons faire les «commis»… même si c’est un mot féminin !

                                                               Nicolas Pittet