Archive pour octobre 2013

Think global, drink local

dimanche 6 octobre 2013

Trois visites récentes dans des restaurants m’ont réjoui. D’abord parce que j’y ai très bien mangé. Mais aussi parce que, à chaque fois, la carte des vins faisait la part belle aux vins locaux, sans négliger quelques crus d’ailleurs.

Premier arrêt chez Jean-Luc Rabanel, à Arles. L’homme ressemble à un Galabru méridional, son visage avec de la peau en trop, son bagout, sa folie tranquille. Dans son deux étoiles à l’ambiance bistrot (L’Atelier), il privilégie les éléments végétaux, construisant des assiettes d’une extraordinaire complexité sans utiliser de produits de luxe. Pas la moindre trace de foie gras, de pigeon ou de homard. Mais du maquereau sublimé par un mariage de légumes, deux ou trois plantes sauvages dont cette superbe huître végétale. Un plat principal où trône bien un tout petit filet de taureau de Camargue (on est à Arles) mais surtout huit légumes apprêtés tous de manière différente. Et pour accompagner le menu de 13 plats à 125 ? Soit on prend la formule un verre par plat, soit on écoute le sommelier qui conseille dans une carte très riche, y compris en grands noms prestigieux, un Costière de Nîmes, «parce que c’est de la région». Un Domaine de Poulvarel, fruité, gras, avec encore une belle fraîcheur. « Mais je crois que je vais vous le carafer, il est encore un peu jeune. » Un 2007. Il avait raison.

Deuxième arrêt chez Pierre Reboul, à Aix-en-Provence. Une étoile Michelin, un décor coloré et joyeux, avec des chaises flashy et un accueil heureux. A côté, le Petit Pierre, le bistrot où le chef a recréé son univers d’enfants, crayons de couleur et dessins animés compris. On déguste une cuisine décomplexée, moderne sans être moléculaire, basée sur des produits de la région bien mis en valeur. La carte des vins ouvre sur une citation de Charles Bukowski, alcoolique écrivain, et parcourt les plus beaux noms de France. Le sommelier nous conseille pourtant un Coteaux d’Aix, « parce que c’est juste à côté ». Le Lauze 2007 du Domaine Sulauze était parfait, aérien, rêveur et bien présent.

Troisième arrêt au Berceau des Sens, le restaurant d’application de l’Ecole hôtelière de Lausanne. Sous la direction du Meilleur Ouvrier de France, Christophe Pacheco, les étudiants y servent avec encore quelques maladresses une cuisine raffinée, légère et intelligente. Pour accompagner cette chair de tourteau en sushi de concombre, ces cromesquis de moule et leur crème aigrelette aux herbes et citron vert, on a l’embarras du choix : le restaurant est le seul à proposer les quinze Premiers Grands Crus vaudois à sa carte, qui comporte aussi de très belles références étrangères. Mais la Gueniettaz de Christophe Chappuis suffisait à notre bonheur.


Cuisine avec vue

dimanche 6 octobre 2013

La cuisine de Catherine Fattebert en met plein la vue ! Non seulement parce que les savoureuses recettes de l’animatrice radio, cordon bleu particulièrement créative, sont une mosaïque de couleurs qui enchantent les yeux avant de charmer les papilles, mais parce que la cuisinière a choisi de troquer les habituelles photos brillantes contre les très appétissantes illustrations de Denis Kormann, qui pour chaque sorte de plats raconte toute une histoire. Un livre-festin à dévorer les yeux grands ouverts !

En recettes, en récits et en dessins, Cuisine avec Vue nous emmène dans le Monde délicieux de Charlotte, une jeune femme rassembleuse, créative et généreuse. Au fil des saisons, le livre nous fait découvrir ses envies gourmandes et sa cuisine inspirée par les ingrédients locaux et les saveurs d’ici et d’ailleurs. Visuellement riche et passionnément composé, Cuisine avec Vue inclut 60 recettes, 20 idées de menus et des suggestions d’accords de mets et de vins. Ces aventures culinaires à la portée de chacun s’adressent à tous ceux qui aiment savourer le quotidien, comme Charlotte, le personnage inventé par Catherine.

Cuisine avec vue – Envies gourmandes racontées et illustrées, Catherine Fattebert Helvetiq, Disponible chez Payot


Chine 2013

dimanche 6 octobre 2013

Durant deux semaines de ce mois d’août 2013, j’ai eu la chance de participer à un voyage viti-vinicole dans le nord-ouest de la Chine, organisé par la Société Suisse-Chine. Nous étions neuf, professionnels de la vigne et du vin, journaliste et autres passionnés.

Notre délégation s’est déplacée en premier lieu de Beijing à Urumqi dans le Xinjiang. Cette région Ouïghour se situe entre le désert de Takla-Makan au sud et celui de Gobi au nord-est. La vallée reste très désertique et c’est là que nous visitons le premier domaine tenu par le groupe industriel chinois Citic, domaine qui sera aussi le plus grand de tout notre voyage. Nous y sommes reçus par un œnologue français, Monsieur Noleau. Il nous explique comment il gère les 30’000 tonnes de raisins des 10’000 ha du domaine, répartis sur plusieurs zones de la région, et comment sont vinifiés ces énormes volumes dans une batterie de 200 cuves de 300 m3 chacune. Nous apprenons comment la vigne est plantée dans toute cette partie de la Chine que nous allons visiter. Pour commencer, il faut dire que le climat est très particulier car il fait très froid en hiver, jusqu’à -30°, et cela peut dépasser les 40° en été. De plus, il ne pleut pratiquement pas, de 60 à 200mm par an seulement. Ainsi, pour planter de la vigne, il s’agit de creuser des sillons de 50cm de profondeur tous les 3 mètres et il s‘y plante en très grande majorité du Cabernet Sauvignon franc de pied (il n’y a pas de phylloxera dans les terres sableuses). Comme l’hiver est donc très froid, on doit enterrer les souches dans ces sillons dès après les vendanges. En effet, il peut geler très vite à partir de la fin du mois d’octobre. Au printemps, on ressort ces pieds de vignes pour la courte période de végétation. Vu le peu d’eau, toutes les cultures et en particulier les vignes sont abondamment irriguées tous les dix jours environ. Le travail est assez simplifié, car on ne fait que très peu de traitements, puisqu’il n’y a ni de problème de mildiou ni d’oïdium. On laisse aussi le feuillage se développer pour protéger le raisin du fort soleil de l’été. Le problème le plus important en vinification est le manque d’acidité dû à ce climat si particulier et aux terres pauvres en matière organique. Cela donne des vins riches en alcool mais avec un manque de structure qu’ils compensent par des tannins souvent fortement extraits et ceci pas toujours avec beaucoup de finesse. Toutefois, malgré cela, nous apprenons que les vins sont vendus pour l’équivalant de 50 à 500.- la bouteille !… Des prix que nous ne comprenons pas au vu des coûts de production si bas. Mais il faut analyser le comportement de consommation des Chinois, pour lesquels ces vins sont faits, et la seule règle est que si le prix de ces vins n’est pas élevé, cela implique pour eux qu’il ne s’agit pas d’un produit de qualité. Ils n’ont ainsi aucune peine à vendre leur production à ces tarifs-là, au vu de la vitesse à laquelle l’augmentation de la consommation se fait. A vrai dire, en Chine, tout est parfaitement surprenant…

Nous visitons plus tard la région de Turfan où l’on produit spécialement du raisin sec de variété très variée sur des vignes en pergolas et qu’on sèche ensuite dans des constructions de briques ajourées. Les cultures pour le raisin sec sont très anciennes et se situent sur la célèbre route de la soie.

La dernière région viticole que nous visitons se trouve près de Yinchan, dans le Ningxia. Là, des producteurs ont le projet fou de reproduire la route des vins de Bordeaux en y construisant de toutes pièces des copies en carton-pâte de châteaux à la décoration terriblement kitsch au milieu de vignes aux surfaces démesurées. Nous finirons nos visites par le plus petit (50 ha) et le plus intéressant domaine, du nom de Silver Heights, tenu par l’oenologue Emma Gao et par son mari girondain Thierry Courton. Nous y passons un moment charmant en dégustant un très beau Cabernet aux fruits très développés, au palais puissant et aux tannins parfaits. Nous apprenons qu’il est possible de faire de très bons vins en régulant les récoltes, en maîtrisant l’irrigation et en faisant juste un travail « pointu ».

Pierre-Alain Dutoit

Première halte à Beijing avant un vol vers Urumqi dans le Xinjiang

le système d’irrigation des vignes.

Notre délégation chez Citic Guoan Wine Industry

Plantation d’un domaine dans le désert près de Yanqi.

Construction d’une cave chez Loulan près de Turfan.

Une vigne en pergolas pour le raisin sec.

le désert entre Urumqi et Turfan.

Le chai à barriques chez Xixuan à Wuwei dans le Ganzu.

Dégustation chez Mogao à Wuwei…

Le « terroir » particulier du nord-ouest de la Chine…

Le fleuve Jaune à Lanzhou.

Notre délégation toujours très attentive.

Un des « Château » près de Yinchan, dans le Ningxia.

Le père de Emma Gao qui a créé le domaine de Silver Heigths.

Gérald Béroud, le chef de notre délégation trinque avec Thierry Courton.

Des moments fort agréables !